- COÛT SOCIAL
- COÛT SOCIALTout agent économique supporte normalement sur le marché les coûts liés à son comportement. Mais il peut se trouver que certains coûts échappent à la sanction du marché. On dit alors des premiers coûts qu’ils sont privés , des seconds qu’ils sont externes à l’agent considéré, et de l’ensemble de ces coûts, privés et externes, qu’il s’agit du coût social .L’existence d’un coût social supérieur au coût privé a d’importantes conséquences. D’une part, les agents qui l’induisent, n’ayant plus à le supporter, sont conduits à pousser leur activité au-delà de ce qui est souhaitable pour la collectivité: le bénéfice total qu’ils en retirent est égal, à la marge, au coût privé qu’il doivent supporter mais non au coût social, qui lui est supérieur. D’autre part, les agents qui supportent ce coût social se voient ainsi imposer des pertes qui ne sont pas pour eux la contrepartie d’un avantage, ce dernier se matérialisant chez d’autres. La répartition des bénéfices et des coûts telle qu’elle s’effectue sur le marché n’est donc plus adéquate.Définition du coût socialLe coût social est l’ensemble des coûts supportés, à l’occasion d’une activité économique donnée, par les agents, ceux qui en retirent les bénéfices comme les autres.Le coût privé est traditionnellement mesuré par le «coût alternatif», c’est-à-dire l’utilité maximale à laquelle on renonce en utilisant des ressources pour la mise en œuvre de cette activité, valeur censée être représentée par son coût monétaire sur le marché. Cette démarche se fonde donc sur l’optimisation des choix.Mais, si l’on y ajoute le coût externe pour atteindre le coût social, le raisonnement ne peut plus être tenu de la même manière. Pour ce qui est du coût externe, les agents qui le supportent ne le désirent pas et ne sont donc pas pris ici dans une logique de maximisation de l’utilité. Quant au coût social, la société ne s’engage pas ici dans un processus d’optimisation. Pour illustrer ce dernier point, considérons l’exemple d’un choix éventuel entre l’inflation et le chômage. Au mieux, la société peut opter en faveur de l’un au détriment de l’autre. Mais, pour en connaître effectivement le coût, encore conviendrait-il de savoir quels sont les groupes frappés par l’inflation et ceux qui bénéficieraient d’une réduction du chômage, ou inversement.La prise en compte du coût social est autrement plus complexe que le schéma de l’optimisation individuelle. Elle implique des perspectives d’analyse fort différentes, donc des schémas de calcul des coûts qui n’ont plus rien à voir avec ceux de l’agent économique standard. Quatre questions sont alors posées.– Quelle est la configuration de la société? Si je pollue l’eau de mon voisin, et de lui seul, la société peut, dans une première approximation, être ramenée à l’ensemble constitué par nous deux. Mais, si je pollue l’atmosphère en rejetant des résidus chimiques, dois-je aller jusqu’à intégrer dans mon analyse les pays voisins? Ce problème redouble d’intensité dès lors qu’il s’agit de prendre en considération les générations futures. Si j’épuise aujourd’hui un stock de ressources non renouvelables, je dois tenir compte des coûts correspondants, quitte à faire apparaître dès maintenant, d’une part, un «coût d’option», valeur qu’il conviendrait d’assumer pour maintenir, d’un point de vue physique, les perspectives de renouvellement ou de non-épuisement du stock; et, d’autre part, une «valeur d’option», somme des dépenses qu’il convient d’assumer aujourd’hui pour garantir aux générations futures la possibilité de consommer ultérieurement ces ressources.– Faut-il, dans l’analyse, intégrer tous les coûts ou en exclure la contrepartie des bénéfices que retirent d’autres agents, en général des rentes, auquel cas on raisonne en termes de coûts nets? Si un projet d’investissement conduit à opérer une pression sur les salaires et les rémunérations dans la zone considérée, s’agit-il d’une source de coût externe pour les autres entreprises ou, au contraire, d’un simple transfert de ressources au profit des travailleurs qu’elles emploient? L’analyse économique tend à voir là un transfert de ressources, ou même une rente, ce qui signifie que l’on considérera le coût social comme net des transferts.– À quel horizon-temps raisonner? L’allongement de la période de temps envisagée permet d’appréhender de plus en plus de coûts externes, donc une divergence croissante entre le coût privé et le coût social, là où la prise en considération de la seule période présente tend à réduire une telle divergence. En matière d’environnement, par exemple, de nombreux processus physiques exigent des périodes de temps assez longues pour se développer. Par ailleurs, une information de plus en plus dense fait évoluer les prises de conscience par les acteurs sociaux.– Comment agréger les dommages externes? Une fois ces derniers identifiés, il convient de les convertir dans une échelle commune pour procéder à leur agrégation, et cette échelle sera en général l’échelle monétaire. Deux difficultés se présentent alors.En premier lieu, un dommage externe peut-il être converti dans une échelle monétaire? Cela reste une opération difficile, quelle que soit l’imagination des économistes. Par exemple, comment convertir en termes monétaires le bruit créé par le déplacement d’une piste d’aéroport ou le désagrément lié à la destruction des forêts consécutive au passage d’autoroutes? On peut saisir a posteriori les variations de prix enregistrées sur le marché foncier au terme de tels processus. Mais cela n’est pas satisfaisant, sauf à considérer que l’on intervient toujours a posteriori, une fois que les dommages ont été intégrés par le fonctionnement du marché à l’information économique. Si on se refuse à utiliser cette hypothèse, il convient de procéder a priori et d’utiliser des techniques qui poseront toutes des problèmes: le prix du produit substitut; le prix des produits associés qu’il convient d’acheter; le montant des dépenses assumées pour éliminer soi-même les effets externes négatifs; les dommages et intérêts susceptibles d’être demandés par les victimes; etc.En second lieu, à supposer qu’on parvienne à les ramener à une même échelle monétaire, est-il possible d’additionner les dommages ressentis par un agent à ceux ressentis par un autre agent? Si l’on considère que l’utilité marginale de la monnaie est la même pour tous, ce qui revient à dire que tout le monde dispose du même niveau de revenus ou encore qu’il y a équirépartition des revenus, cette opération est possible. Mais, si l’on refuse une telle hypothèse, et la réalité ne peut qu’y inviter, cette opération devient impossible! Pour arriver à une évaluation cohérente du coût social, il conviendrait donc de partir d’utilités marginales de la monnaie qui soient spécifiques, ce qui est évidemment difficile à déterminer.Intervention de l’État ou jeu du marché ?Faut-il ou non corriger l’existence des coûts sociaux ou/et compenser les dommages ressentis par certains agents à cette occasion? Ce problème est fondamental pour l’analyse économique et se retrouve à la base des débats les plus célèbres sur la nécessité ou non de corriger le fonctionnement des marchés ainsi que sur l’intervention de l’État.Pour les uns, l’existence de coûts sociaux met en cause la capacité du marché à réaliser des situations optimales pour l’ensemble des agents et conduit à faire intervenir l’État; ce dernier réduira la taille des activités à l’origine de ce processus, ou bien les interdira, ou bien encore les laissera subsister au prix d’un système de compensation des dommages ainsi entraînés. La position la plus traditionnelle est ici celle d’Arthur C. Pigou, aux yeux de qui l’existence d’un coût social était une condition suffisante pour déclencher l’intervention de l’État, le principe étant de poursuivre cette action jusqu’au moment où le coût social disparaîtrait, plus précisément jusqu’au moment où il se confondrait avec le seul coût privé.Pour les autres, il convient, au contraire, de laisser les agents corriger d’eux-mêmes, par le biais d’interventions sur le marché, le processus en question. Ce débat est aujourd’hui indissociable du théorème formulé par Ronald Coase, pour qui il convient de laisser le marché fonctionner, l’existence de coûts sociaux étant, en fait, non pas un obstacle à mais au contraire une garantie contre des interventions intempestives et finalement dommageables de l’État.Le théorème de CoasePartons d’un exemple classique: aux premiers temps des chemins de fer, l’activité des compagnies ferroviaires entraîne, pour les agriculteurs, des destructions sur les exploitations situées tout au long des voies. Le gain des unes a donc pour contrepartie immédiate des pertes pour les autres, pertes non prises en considération par les marchés. Le coût social de l’activité ferroviaire est supérieur à son coût privé, et les compagnies sont donc incitées à poursuivre leur activité plus loin que ce ne serait le cas si elles avaient à indemniser les agriculteurs pour leurs pertes.Une première réponse consiste à faire intervenir l’État pour réduire, voire interdire, le trafic ferroviaire et limiter d’autant, voire supprimer, les dommages ainsi causés aux agriculteurs. Mais il se peut alors que les surplus engendrés dans l’économie par l’activité ferroviaire diminuent plus fortement que n’augmentent les gains réalisés par les agriculteurs; la nouvelle situation constitue alors une régression par rapport à la précédente.Mieux vaut, nous dit Coase, laisser les agriculteurs négocier avec les compagnies. Si le dommage qu’ils ressentent du fait de cette nuisance est supérieur aux gains que ressentent les entreprises du fait de leur activité, ils pourront leur «acheter» une réduction de cette dernière tout en réalisant un bénéfice par-devers eux – leur moindre perte –, ce qui signifie une amélioration du bien-être collectif, somme des bien-être de tous les agents. Si le dommage est inférieur aux gains des compagnies, ils n’auront plus la possibilité d’acheter à celles-ci une réduction de leur activité, et ce faisant, là encore, le bien-être social s’en trouvera augmenté.Quelle que soit la situation de départ, l’optimum est réalisé par le marché. Plutôt que de faire intervenir l’État, qui peut se tromper au moins dans un cas sur deux, mieux vaut laisser fonctionner le marché qui, lui, ne peut pas se tromper. Le libellé du théorème de Coase est un peu plus complexe: «L’allocation initiale des droits de propriété importe peu du point de vue de l’efficacité dès lors qu’ils peuvent être échangés sur le marché»; ce qui peut s’exprimer de manière plus simple: quelle que soit l’existence initiale de coûts sociaux, le marché saura conduire à la situation la meilleure dès lors que les agents sauront et pourront négocier entre eux des renonciations mutuelles à leurs droits de propriété. Relevons tout de suite que ce raisonnement est conduit à partir d’une seule référence, celle de l’efficacité dans l’allocation, mais que le problème de la redistribution est laissé de côté, ce qui est traditionnel dans la théorie économique standard.Les conditions d’application et de validation de ce théorème peuvent aujourd’hui être entendues de trois manières différentes.Dans une première approche, la seule condition pour que le théorème puisse s’appliquer normalement consiste à vérifier que les droits sont définis et sanctionnés de manière rigoureuse dans le dispositif légal et judiciaire. La précision des droits de propriété suffirait à garantir les effets attendus du fonctionnement du marché.Dans une deuxième approche, la précision des droits de propriété ne suffit plus. Pour que les négociations envisagées ci-dessus interviennent, du temps et des ressources devont être dépensés afin que les agents entrent en contact, discutent, passent des accords et s’organisent pour en respecter le contenu. Ces dépenses sont des coûts de transaction, et le théorème n’est désormais valable que si de tels coûts sont réduits, voire éliminés.Dans une troisième approche, ni la précision des droits de propriété ni la faiblesse voire l’absence des coûts de transaction ne garantissent la validité du théorème de Coase. Même dans un contexte favorable, des facteurs peuvent intervenir qui empêcheront la passation des accords recherchés, par exemple le pouvoir de monopole d’un agent vis-à-vis des autres. La situation restera en l’état, même si elle ne correspond pas à la réalisation des surplus collectifs les plus élevés, ceux justement attendus de l’allocation marchande. Il convient donc, conformément à l’analyse économique standard, que la situation sur le marché soit bien concurrentielle, faute de quoi les agents les moins bien placés, parce qu’ils auront par exemple à faire face à un monopole, n’auront aucun intérêt à se lancer dans un processus de négociation. C’est là que les choses peuvent se compliquer. Nous pouvons avoir le cas d’une seule compagnie ferroviaire face à une multitude de propriétaires fonciers (l’inverse est moins envisageable). À ce moment-là, les conditions requises pour qu’un équilibre s’établisse spontanément ne sont plus remplies. Le coût social ne peut plus faire l’objet d’un aménagement adéquat à partir de l’activité spontanée des agents sur un marché créé à cet effet, et il conviendrait alors d’envisager à nouveau l’intervention de l’État.Le théorème de Coase est-il valide?Auparavant, on peut se demander si le théorème de Coase mérite l’attention et la fiabilité qui lui ont été prêtées. Rien n’est moins sûr.Considérons la première version du théorème, celle où le libre échange des droits de propriété suffirait à régler le problème du coût social. Kenneth J. Arrow a montré, dès 1969, qu’un tel marché ne pouvait fonctionner de manière correcte, et qu’il déboucherait inévitablement sur des allocations biaisées. Prenons l’hypothèse où toute pollution est interdite à un quelconque agent, sauf s’il dispose d’un «droit à pollution» obtenu sur le marché correspondant, auprès des victimes potentielles. Même touché par la pollution, celui qui détient ce droit n’hésitera guère à le vendre à celui qui entend exercer une activité polluante, puisque, à ses yeux, la valeur d’un tel «coupon», ajustée sur le bénéfice social, dépasse la valeur du coût privé qu’il devra supporter. Les victimes ont donc intérêt, chacune prise de manière individuelle, à vendre leurs coupons. En sens inverse, chaque pollueur peut se trouver en face d’un coût d’acquisition des coupons ouvrant un droit à pollution inférieur au coût social que cela représente. Le résultat, c’est que l’ouverture d’un marché des droits à pollution conduit à multiplier les échanges au-delà de ce qui serait raisonnable.Considérons maintenant la version du théorème de Coase où la faiblesse des coûts de transaction apparaît déterminante. Si le nombre des agents en présence est faible, notamment du côté de ceux qui supporteront la pollution, on peut considérer qu’ils sauront s’organiser dans des conditions acceptables pour créer un quasi-marché où ils pourront passer des accords du type de ceux qui ont été décrits. Mais, si leur nombre est très élevé, les coûts d’organisation et de coordination à supporter risquent d’être trop forts pour permettre effectivement d’imposer un quasi-marché, et que l’on puisse en attendre une allocation optimale des ressources et une disparition des coûts sociaux. Même si le nombre des victimes est faible, la solution recherchée peut ne pas être atteinte si les agents ne s’entendent pas sur le partage des bénéfices escomptés d’un tel accord.Quant à la dernière version, elle pose moins de problèmes. Elle met en évidence la structure concurrentielle ou non du marché des droits de pollution, ce qui en soi est très clair et n’appelle pas de commentaires additionnels.Que convient-il alors de retenir du théorème de Coase, dès lors que l’on refuse la vieille idée selon laquelle l’intervention de l’État doit être obligatoirement admise face à des coûts sociaux? L’idée qu’une analyse en termes de marché permet de mieux voir dans quelles conditions le maintien ou la résorption des coûts sociaux est compatible avec l’équilibre général. Il s’agit d’une manière plus prudente d’appréhender les problèmes et leurs solutions que la tradition ouverte par Pigou, où l’existence d’un coût social justifie l’intervention de l’État jusqu’au moment où il disparaît. On peut le dire autrement: l’existence d’un coût social doit donner lieu à une analyse des bénéfices et des coûts plutôt qu’à une réaction de principe, analyse au terme de laquelle l’intervention peut être correctement aménagée au cas où le marché n’aurait pas de lui-même résolu le problème.La renaissance du coût socialL’existence d’un coût social ne dérègle donc en rien le fonctionnement du marché, quand certains pensaient y voir une source de remise en cause. Moyennant un jeu d’«hypothèses somme toute admissibles», on peut réconcilier les deux notions sans avoir à évoquer de manière pressante l’intervention de l’État. Cette vision optimiste des choses est pourtant remise en cause à son tour, pour des raisons logiques autant que de pertinence.Le concept d’irréversibilitéUne première remise en cause est liée à la notion d’irréversibilité. Supposons que le coût social recouvre des phénomènes sur l’existence desquels on ne pourra plus revenir: les dégradations subies ne seront pas compensables en termes monétaires et ne pourront donc être réintégrées dans le calcul économique des agents moyennant l’ouverture de quasi-marchés et le paiement de dommages et intérêts. D’où le développement lié des concepts de coût d’option et de valeur d’option déjà cités: face au risque de voir des dégradations se propager de manière irréversible, sous l’effet du comportement d’agents qui n’en supportent pas le coût social, certains intervenants acceptent de financer des dépenses qui préviendront cet état de fait – c’est le coût d’option –, ou bien qui maintiendront les possibilités actuelles de satisfaction au profit des consommateurs futurs – c’est la valeur d’option.On pourrait, bien entendu, dire que l’existence de ces irréversibilités n’est jamais qu’une forme de coût social, et que des marchés peuvent s’ouvrir qui en régleront le sort de manière adéquate. C’est oublier, à l’inverse de ce qui se passait plus haut, aussi longtemps qu’un accord n’est pas trouvé, des dommages irréversibles sont créés, que le système de paiement ne ramènera jamais au point de départ.Un exemple de telles irréversibilités peut être trouvé dans la dégradation de ressources non reproductibles. Si les décisions d’un agent privé se traduisent par un coût social en termes de destruction d’un stock fini de ressources ou de diminution de la capacité de renouvellement d’un tel stock, alors le dommage créé est irréversible. Quel que soit le système de paiement mis en place, on ne reviendra jamais au point de départ. À la limite, il peut y avoir accord entre l’agent qui entraîne le coût social et celui qui le subit, mais cet accord ne s’inscrit qu’en filigrane d’un coût social collectif de valeur infinie.L’économie de l’environnementCela nous amène logiquement à ce qui est devenu le terrain par excellence du coût social: l’économie de l’environnement. Face aux nombreuses menaces qui pèsent sur le Terre, les économistes ont été conduits à mettre en évidence les dommages pour la collectivité qui accompagnent le déroulement des activités privées; la série de questions qui s’ensuivent remettent elles aussi en cause la vision optimiste évoquée tout à l’heure: les marchés encouragent-ils la pollution ou peuvent-ils au contraire la résorber? des ressources doivent-elles être consacrées à la lutte contre la pollution? comment les pouvoirs publics pourront-ils protéger ou améliorer l’environnement?Le coût social se retrouve au cœur même de ces trois débats, la première étape étant justement de l’identifier à partir des maladies ou des décès, de la dégradation des immeubles ou des ressources naturelles, etc. L’identification de tels dommages détermine non seulement le coût social, mais le prix de l’environnement. Trois grandes techniques sont alors utilisées pour faire disparaître les effets externes négatifs et ramener ainsi le coût social au seul coût privé, ce qui fait alors du marché un système d’allocation optimal.La première consiste à laisser le marché fonctionner et à espérer que les agents sauront ouvrir entre eux des quasi-marchés qui conduiront à un taux optimal de pollution. Cette option, à l’encontre de ce qui se passe dans les manuels de théorie économique, est peu plausible: elle se heurte à une très forte demande sociale qui ne se satisfait ni des effets redistributifs que ce genre d’allocation entraînera ni des irréversibilités qui pourront alors subsister.La deuxième technique consiste à modifier le fonctionnement du marché sans mettre en cause le principe de libre choix des agents. Pour cela, il convient d’internaliser les coûts externes, de telle sorte que ce que chaque agent a à supporter du fait de son comportement corresponde bien au coût social de son activité, et pas seulement au coût privé. La fixation de droits d’émission d’air pollué ou d’eaux usées, liés au fonctionnement de certains équipements, en constitue une bonne illustration puisqu’on majore alors les coûts d’activité et que l’on peut ainsi amener le coût privé au niveau du coût social. Mais on peut aussi obliger l’agent à retraiter les déchets de sa propre activité ou à dépolluer l’environnement. C’est la modification du contenu des droits de propriété qui est ainsi réalisée.La troisième technique consiste à contraindre les possibilités de choix des agents économiques. L’activité polluante peut être interdite ou passer sous strict contrôle de l’État: nationalisation des activités, dans l’idée qu’un producteur public saura trouver des combinaisons productives plus conformes à l’intérêt général; stricte répartition de contingents de production au terme de processus de type appel d’offre; etc.Par rapport aux perspectives précédentes, la difficulté vient ici de ce que l’on voit dans l’État un agent systématiquement bienveillant, alors que, face à des problèmes mettant en cause de nombreux groupes de pression, il est difficile d’oublier qu’il en constitue l’émanation! Mais tout le problème du coût social est là: il convient d’arbitrer plus que de corriger. La difficulté commence quand on relève la variété des intérêts qui participent à un tel débat. Et, si le marché privilégie a priori ceux de ces intérêts qui disposent des moyens de pression économique les plus importants, l’État peut seulement tenter de rétablir des équilibres.
Encyclopédie Universelle. 2012.